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  • Article publié le 11 septembre 2014
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Introduction de la journée par Baptiste TALBOT

Cher-e-s camarades,

En mars 2010, Anicet Le Pors écrivait : « L’ensemble communes-départements-nation est politique et l’ensemble regroupements de communes-régions-Europe est essentiellement économique. Dans un pays démocratique le politique doit l’emporter sur l’économique. Nicolas Sarkozy tourne le dos à ce principe avec la création des conseillers territoriaux, la création de métropoles, la suppression de la taxe professionnelle »(1).

De cette citation l’on peut dire deux choses : elle exprime l’essentiel sur le sujet qui nous occupe, et elle demeure à ce point d’une pleine actualité, que l’on pourrait substituer le nom de Hollande à celui de Sarkozy, le premier assumant et prolongeant l’héritage de son prédécesseur.

La réforme territoriale doit être considérée comme l’addition des lois régressives votées depuis la loi Raffarin de 2004. Il faut par ailleurs la considérer comme complémentaire des différents textes et processus de refonte de l’Etat (RGPP, REATE, MAP, etc…). Les textes successifs votés depuis une décennie sont structurés par les mêmes objectifs : réduction de la dépense publique au service du taux de profit du capital ; effacement de l’Etat qui est recentré sur ses missions de contrôle social, dites régaliennes ; collectivités locales mises au service des besoins du capital dans le cadre des impératifs de la guerre économique mondialisée.

La réponse aux besoins sociaux, la démocratie de proximité, le développement harmonieux de l’économie et des territoires sont absentes des préoccupations premières des concepteurs et des donneurs d’ordre du processus en cours.

(1) http://anicetlepors.blog.lemonde.fr/2010/03/03/le-joviaen-bulletin-municipal-de-joeuf-mars-2010/

Les textes relatifs aux échelons régionaux et départementaux sont encore en cours d’élaboration et la Fédération poursuit la bataille pour bloquer leur mise en œuvre.

S’agissant de la métropolisation, le processus est plus avancé puisque la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite loi MAPTAM) a été promulguée en janvier 2014. Cette loi entérine, selon des modalités qui peuvent différer la création des métropoles du Grand Paris, d’Aix Marseille Provence, de Lyon, Bordeaux, Grenoble, Nantes, Nice, Rennes, Rouen, Toulouse, Lille et Strasbourg. D’autres agglomérations peuvent se voir inscrites dans le processus de métropolisation dans des conditions que nous aurons l’occasion d’aborder aujourd’hui.

Je n’entrerai pas dans les détails de la mécanique de la loi MAPTAM et concentrerai mon propos sur quelques points sur lesquels il nous a semblé important d’insister.

Concernant le sens politique de la métropolisation, la Fédération a qualifié les métropoles de machines à concentrer les richesses et les lieux de décisions et donc à désertifier le territoire. En parfaite cohérence avec le Pacte dit de responsabilité et les autres volets de la réforme de l’action publique, il s’agit à la fois de réduire la participation financière du capital au financement de notre modèle social et de concentrer les moyens publics sur la satisfaction des besoins des grandes entreprises. La métropolisation privilégie la partie urbaine du territoire considérée comme rentable en termes de taux de profit et vise donc à y concentrer les financements publics pour les infrastructures, la recherche, l’éducation, la santé, etc… Prenant la forme d’une construction institutionnelle conçue pour être mise au service de l’économie, ce projet poursuit le dessein si cher aux sociaux-libéraux : celui d’une Europe fédérale, structurée pour mener la guerre économique mondialisée.

Cette conception s’oppose aux principes républicains de la Fonction publique et aux fondements de la République décentralisée : égalité ; cohésion sociale ; proximité ; libre administration dans le cadre des lois et règlements ; autonomie financière des collectivités ; péréquation ; démocratie locale.

J’insiste à ce stade sur la question de la contractualisation, sur laquelle nous devons porter une attention soutenue.

La référence systématique au contrat pour administrer les compétences et les politiques publiques porte un enjeu démocratique majeur et percute la conception de la Fonction publique.

En promouvant la délégation de compétence et la contractualisation de la gestion des politiques publiques entre l’Etat et les collectivités et des collectivités entre elles, la loi MAPTAM aggrave le phénomène d’enchevêtrement et d’imbrication des compétences et des financements et brouille davantage encore la lecture déjà complexe de la répartition des compétences entre les différents acteurs publics locaux.

La contractualisation des politiques publiques privilégie l’émergence d’une Fonction publique d’emploi (Fonction publique sous contrat et flexibilité de l’administration) au détriment d’une Fonction publique de carrière et d’une administration neutre, impartiale et égalitaire protectrice des droits fondamentaux du citoyen. La Fonction publique sous contrat implique la négociation de l’organisation et des conditions du travail alors qu’elles relèvent de la concertation et de la loi dans le cadre statutaire.

Sur les différents modèles de construction métropolitaines, je vous livre un extrait d’une tribune publiée par Agnès Lo Jacomo, présidente du Medef Ile de France(2) : « La clarification des compétences entre la Métropole du Grand Paris et la Région ainsi que la suppression des quatre départements du cœur de l’agglomération parisienne et leur intégration dans la Métropole du Grand Paris constituent donc un enjeu de gouvernance et un enjeu financier d’importance au moment où le Gouvernement s’interroge sur les réformes qui permettraient d’obtenir plus d’efficacité tout en réduisant les charges publiques. Encore faudrait-il retenir, pour organiser la métropole parisienne, non pas une forme d’Etablissement Public de Coopération Intercommunale aux compétences limitées comme le prévoit la loi mais un statut de collectivité locale à part entière, identique à celui adopté pour la métropole lyonnaise dont les compétences sont étendues à la gestion des services publics et incluent celles dévolues au département du Rhône. ».

Le modèle de référence pour le patronat est donc bien la métropole lyonnaise, soit le modèle le plus intégré.

Considérant les enjeux considérables que soulève la création des métropoles pour le service public, les agents territoriaux et les syndicats des différentes collectivités concernées, la Fédération, à partir des débats de notre Comité national fédéral de mai, a donc décidé d’organiser une journée d’étude sur la métropolisation.

Concernant nos axes de bataille, cette journée d’étude doit donc nous permettre de dégager les points revendicatifs prioritaires devant faire l’objet d’une bataille nationale. Les mêmes contenus seront portés par nos syndicats dans le cadre des mobilisations et discussions à venir avec les élus politiques et représentants des administrations.

Alors que les personnels sont une fois encore les parents pauvres de cette réforme, notre journée nous permettra de mettre en commun nos réflexions sur la métropolisation et de construire une base revendicative commune au regard des risques pour l’emploi public, les conditions de travail, le temps de travail, la mobilité, les déroulements de carrière, les rémunérations, l’action sociale, la protection sociale complémentaire, le dialogue social, les droits syndicaux. Nos échanges vont être l’occasion de faire état des contenus revendicatifs déjà portés localement.

(2) « Vite, la métropole du Grand Paris ! », www.latribune.fr , 11 avril 2014

Alors que Valls reprend les vieilles recettes austéritaires de ses prédécesseurs Ayrault et Fillon, recettes déjà utilisées par Thatcher et plus récemment en Grèce, en Espagne et au Portugal, et qui ont fait la preuve de leur inefficacité économique, de leurs effets dévastateurs pour la cohésion sociale et l’emploi, nous devons affirmer sans relâche que d’autres choix sont possibles pour l’emploi, les salaires et le service public, notamment si l’on mobilise ne serait-ce qu’une partie des 200 milliards d’aides et d’exonérations fiscales et sociales dont bénéficie le patronat.

Je souligne l’importance dans cette bataille de la dimension interprofessionnelle du combat que nous devons mener. C’est bien en lien avec nos structures territoriales interprofessionnelles que nous devons agir, tout particulièrement sur le sujet qui nous occupe. C’est le sens de notre invitation adressée à la Confédération et à la coordination des comités régionaux. Je remercie les camarades invités de leur présence.

Je conclurai mon propos sur les luttes. Elles sont d’ores et déjà nombreuses sur les enjeux métropolitains et je me garderai bien d’en citer au risque d’en oublier. Au nom de la Fédération, je salue cet état d’esprit offensif et formule le vœu que ces luttes se développent car elles sont la condition essentielle pour faire aboutir les revendications des personnels et défendre le service public. Ces luttes doivent être nombreuses, rassembleuses, convergentes. Il est de notre intérêt d’engager notre organisation dans des démarches larges permettant d’unir les forces qui combattent le processus en cours sur les mêmes bases que les nôtres. L’heure est à l’intervention la plus large possible de toutes celles et ceux qui refusent cette régression en termes de démocratie, de service public, de vivre ensemble.

Je vous souhaite une bonne journée de travail et vous invite à prendre activement part au débat. Je vous remercie.

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Intro journée d’études métropole 10/09/2014


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